La danse de la lune et de la mer
Le rythme quotidien des marées offre des spectacles passionnants, quand les eaux s'insinuent dans les grèves et les chenaux, remontent les plages en douceur ou à grandes chevauchées.
Idem quand la mer se retire, laissant des plages immenses, dégageant des estrans et des rochers insoupçonnés, voire des épaves oubliées.
Au large, les courants de marée créent parfois des torrents d'écume autour des rochers, des phares et des balises.
Quelle que soit la période, le spectacle est captivant le long de nos côtes atlantiques, de la Manche ou de la mer du Nord.
Se trouver dans une région soumise aux marées permet d'observer quotidiennement ce phénomène et d’assister aux grandes marées d'équinoxe ou de fort coefficient.
C'est désormais devenu une nouvelle idée de voyage et un but de séjour. Et quand un grand coefficient flirte avec une tempête, le spectacle est encore plus intense.
C’est quoi la marée?
Suivant le cycle immuable des hautes mers et des basses mers, les marées sont dues à l'attraction de la lune.
Cette dernière fait littéralement monter la masse des océans lors de son passage (pourtant très lointain).
Comme la lune tourne autour de la terre, et que cette dernière tourne sur elle-même, cette danse à deux complique un peu les choses et provoque un décalage quotidien.
Le rythme donné à ce mouvement s'amplifie lorsque la lune est pleine ou nouvelle (à savoir alignée avec le soleil et donc période de vive eau), tandis qu'il diminue lorsque la lune n'est pas alignée avec le soleil et nous montre son premier ou son dernier quartier, quand les forces s'opposent et s'annihilent (période de morte eau).
Entre les deux, le phénomène s'amplifie et diminue selon un rythme précis... Ajoutons à cela les périodes d'équinoxe, où la lune est pile au-dessus de l'équateur: voilà notre marée « démultipliée » pour un spectacle grandiose.
Afin d'exprimer de manière concrète l'intensité variable du phénomène, la notion de coefficient de marée nous aide à bien repérer les périodes cruciales.
Ce coefficient qui varie entre 20 et 120 indique l'ampleur à laquelle on peut s'attendre, 120 étant le maximum (rarissime) et la garantie d'un spectacle inoubliable.
Mais déjà un coefficient de 110 est spectaculaire.
Grâce au calendrier lunaire, les marées sont donc facilement prévisibles et déclinées en hautes et basses mers quotidiennes.
On considère entrer dans une phase intéressante à partir d'un coefficient de 95.
Pourquoi deux marées par jour ?
Il y a deux marées hautes et deux marées basses par jour le long des côtes européennes, soit un rythme semi-diurne.
Pourquoi? La région de la terre qui se trouve sous le passage de la lune voit se créer une "bosse" d'eau ainsi que de l'autre côté de la terre, où une ‘‘bosse’’ opposée se produit également.
Elle est due à l'inertie des eaux océaniques. Ces deux bosses sont toujours opposées de chaque côté de la terre et se déplacent, l'une sous la lune, l'autre du côté sans lune…
Cela fait donc deux passages par jour.
Pourtant, il existe des régions sur terre qui ne connaissent qu'une seule marée par jour, ou pas du tout. Pourquoi ?
Cela s’explique par la configuration du « bassin » (forme, dimensions et quantités d'eau, phénomènes de « résonnance ») de la zone océanique.
En outre, du fait du déplacement de la lune, l'heure des marées se décale chaque jour de 50 minutes.
La marée montante est toujours un peu plus rapide (mois de 6 heures) que la marée descendante (six heures trente environ).
Pourquoi des marées qui varient au fil des jours ?
La lune a la part la plus importante avec 54% alors que le soleil entre dans 46 % de l’attraction des masses océaniques.
Mais ce sont des dizaines de paramètres qui entrent dans le calcul des marées même si la configuration du bassin (résonance) a toujours le dernier mot...
Selon la position de la lune et du soleil, la force d’attraction s’ajoute quand elle est alignée ou se soustrait quand elle est en « quadrature » soit qu’elle fait un angle droit avec les phases intermédiaires.
Comme la lune tourne autour de la terre en un mois, elle passe deux fois en alignement et deux fois en quadrature, cela donnera des marées dont l’importance varie en fonction des phases de la lune et qui s’expriment par des coefficients.
En 1 et en 3 la nouvelle (ou la pleine lune) est alignée et sa force se conjugue à celle du soleil pour des marées plus importantes (voir la bosse de part et d’autre de la terre). En 2 et en 4, les forces s’opposent et la marée est moins forte…
Pourquoi des marées plus intenses à certains endroits ?
Certaines mers ont des marées importantes, d’autres non.
Pourquoi ? L’attraction de la lune est la même partout, non ? Petite explication. Imaginez une grande table sur laquelle ont été déposés divers bassins remplis d'eau, de toutes les tailles et de toutes les formes ainsi que sous diverses orientations.
En actionnant la table de manière régulière, l'eau dans certains récipients va se déplacer d'un côté à l'autre pour déborder, tandis que d'autres récipients ne vont présenter aucun mouvement d'eau.
Changeons maintenant la fréquence ou l'orientation de la vibration de la table, l’eau dans d'autres récipients va à présent s'agiter alors qu’elle va stagner dans ceux qui indiquaient un mouvement...
Comme cela est-il possible ? La réponse est simple mais le phénomène physique assez compliqué, c'est la « résonance »…
Rien à voir avec la musique ou le son, car il s’agit de la mise en présence de deux paramètres: un mouvement suivant une fréquence et un corps qui réagit précisément à cette fréquence en amplifiant son mouvement.
Dans cette expérience, la table c'est la terre; les récipients pleins d'eau sont les mers et les océans, tandis que le rythme ou la fréquence du mouvement est la rotation de la terre et de la lune ainsi que l'attraction qui les unit.
Rappelons que la lune n'est pas la seule initiatrice des marées, puisque le soleil représente 46 % de l'attraction, soit presque la moitié.
Voilà donc pourquoi les mers et océans présentent des marées ou pas, selon les bassins de diverses dimensions et orientations qui peuvent amplifier le phénomène.
C'est la raison pour laquelle certains bassins connaissent des marées très importantes, alors que d'autres n'ont quasi pas de marées, comme la Méditerranée.
C’est quoi, le coefficient de marée?
Du fait des variations cycliques et régulières des marées liées aux phases de la lune et afin d’en préciser l’intensité, un coefficient dit « de marée » a été mis au.
Ce coefficient de marée évolue avec le temps et exprime une valeur comprise entre 20 et 120.
En d’autres mots, une valeur de 120 (très rare) exprime une marée plus forte que la moyenne, où tous les facteurs sont réunis pour des hauteurs d’eau (et des courants de marée ainsi que le cas échéant, les mascarets au maximum).
La marée dite du siècle qui a fait courir les foules le 21 mars 2015 avait un coefficient approchant les 120. Au contraire, un coefficient de 20 indique une variation faible.
Pour faire simple, les coefficients suivent les phases de la lune : pleine lune ou nouvelle lune signifient coefficients maximum.
Premier quartier ou dernier quartier signifient coefficients les plus faibles… Les coefficients de marée sont renforcés lors des périodes d’équinoxe.
20 la plus faible marée
45 coefficient de « morte eau »
70 limite entre les périodes de mortes eaux et de vives eaux
95 coefficient de vive eau moyenne
100 coefficient de vive eau d’équinoxe
120 la plus forte marée (souvent accompagné d’une éclipse)
Quand :
Les prochaines périodes de vices-eaux pour 2021
Petits conseils et sages précautions pour observer les marées…
Chaque année, des noyades se produisent en France suite à la remontée de la marée ou à un manque de connaissances du milieu marin.
Une simple plage peut s'avérer dangereuse lors de la remontée des eaux, avec ses petits bancs de sable et ses irrégularités de pente.
A fortiori si elle est grande et quand le coefficient est important, que la visibilité est mauvaise, que le soir tombe...
Quant aux zones rocheuses, idem, avec le mélange de vasières, de bancs de sable, d'algues glissantes et de bandes rocheuses isolées qui peuvent se transformer en pièges particulièrement dangereux.
Bien connaître les horaires des marées et leur évolution dans les heures qui viennent
Toujours s’assurer la possibilité de battre en retraite en toute sécurité (éviter les zones apparemment plates où l’eau avance vite et peut isoler le randonneur
Eviter de s’attarder après le début de la remontée des eaux et retourner rapidement vers un lieu sur la terre ferme
Ne jamais s'aventurer seul ou le soir tombant voire durant la nuit dans une zone à marée basse
S'équiper de vêtements visibles de loin et porter un équipement adapté (attention aux cuissardes qui peuvent se révéler très handicapantes si elles sont remplies d’eau)
Se munir d’un moyen de communication (portable, smartphone) et de signalisation comme une lampe frontale ou de poche avec une ampoule led…
Consulter les prévisions météorologiques du jour et ne pas s’aventurer par temps de brouillard ou avec un risque de bancs de brouillard (ce qui arrive souvent en Bretagne en été). Garder un œil pour surveiller régulièrement le niveau des eaux et l’évolution des conditions météorologiques (à l’arrivée d’un banc de brouillard, regagner sans délai la terre ferme).
Pour un maximum de sécurité, il existe des balades accompagnées par des guides qui permettent de marcher en toute sécurité (autour du Mont Saint Michel, à Saint-Malo, en Baie de Somme)…
Un peu de vocabulaire
Flot: durée totale de montée des eaux vers la marée haute
Jusant: durée totale de descente des eaux (jusqu'à l'étale de marée basse)
L'étale est le moment où les courants s'annulent quand la marée est haute (avant de redescendre) ou la marée est basse (avant de remonter).
Boîte à outils
Sites supplémentaires, pour en savoir davantage…
Ce site très détaillé et bien illustré explique la magie des marées
Ce site est une belle page de vulgarisation sur le phénomène des marées
Indique les marées à court terme
Cartes interactives SHOM